Vers plus de coopération économique Egypte-France

Chaïmaa Abdel-Ilah Hanaa Khachaba Dimanche 06 Janvier 2019-14:27:42 Dossier
Vers plus de coopération économique Egypte-France
Vers plus de coopération économique Egypte-France

Le Progrès Egyptien a le plaisir de vous présenter une interview exclusive effectuée avec le directeur du Bureau Business France, situé à Zamalek, M. Ludovic Prévost, pour vous donner une idée exhaustive sur l’activité des entreprises françaises en Egypte et sur l’excellente relation commerciale égypto-française au cours des quelques dernières années.

 

Le Progrès Egyptien: Nous voulons savoir ce que fait le Bureau Business France en Egypte ?

M. Ludovic Prévost :Le Bureau est une agence nationale de soutien aux entreprises françaises, plus spécifiquement aux petites et moyennes entreprises. Elle fournit un soutien à l'export, c'est la première partie. La deuxième cascade de Business France, c'est également la promotion du territoire français en tant que destination pour des investisseurs étrangers, donc l'objectif est cette fois à l'inverse: d'amener des investisseurs en France. Ce sont nos deux missions principales. Pour ce faire, soit la partie export, pour la plupart du temps, on est amené à aider les entreprises à identifier les marchés. Bref, est-ce que oui ou non il y a un marché pour nous en Egypte. Et si c'est le cas, de les aider à y faire leur premiers pas. Cela dépend de ce qu'elles font. Cela peut-être, soit trouver directement des clients. Soit, et ça c'est la plupart du temps, identifier un partenaire local avec lequel elles vont pouvoir s'associer pour développer leurs affaires dans le pays.

P.E: Avez-vous des partenaires ici en Egypte ? Qui sont-ils ?

M. Ludovic Prévost :On cherche des partenaires pour les entreprises, donc ça dépend de ce qu'elles font. Cela peut être une joint-venture dans le milieu industriel, cela peut être un agent, ou ça peut être simplement un distributeur. Ça dépend vraiment de l'activité de l'entreprise avec laquelle on a affaire et qu'on est en train d'aider. Donc, c'est le cas par cas. Ce sont des prestations pour chaque entreprise, personnalisées, en fonction des besoins de l'entreprise et de ce qu'elle recherche.

P.E. : Travaillez-vous avec des ministères ?

M. Ludovic Prévost :Oui, bien sûr. On est amené à collaborer avec les autorités égyptiennes, que ce soit le ministère de la Coopération internationale, le ministère du Commerce et de l'Industrie, ou le ministère de l'Agriculture puisque parfois il y a des sociétés qui proposent des solutions pour optimiser par exemple la culture donc on est amené à les présenter aux équipes des différents ministères pour les aider à se trouver sur le marché. Il y a la sphère privée et il y a également la sphère publique.

P.E.: Quelles sont les opportunités qui intéressent le plus les Français qui souhaitent établir du business en Egypte ?

M. Ludovic Prévost :Avant ça, je vous signale que je suis arrivé en Egypte début 2015. C'était effectivement le début de la crise de 2008 pour commencer, puis ensuite le printemps arabe, puis l'arrivée du maréchal Sissi au pouvoir, donc une forme de stabilité politique qui revenait à partir de 2014. En 2015, on voyait passer par le Bureau ici à peu près une petite quarantaine de sociétés françaises. En 2018, on va finir l'année entre 170 et 180, pour vous donner une idée de l'évolution de l'activité du Bureau et donc d'une certaine manière aussi de l'attrait de l'Egypte pour les sociétés françaises. Donc le retour de la stabilité politique, le retour de la stabilité économique aussi, ont permis à ce que de nouveau les entreprises françaises reviennent vers l'Egypte. Après, une fois qu'on a dit ça, je vous indique qu'on est organisé en filières sectorielles, on en a quatre: la filière Agro, la filière Art de vivre et Santé, la filière Industrie et Tech et la filière Nouvelle technologie. Au sein de ces différentes filières sur l'Egypte, les secteurs sur lesquels on travaille le plus est la santé. C'est un gros sujet pour nous. Il n'y a pas longtemps qu’un Forum sur la santé a été organisé. C'est un secteur sur lequel on a beaucoup d'activités. Ensuite, vous avez tout le secteur Agro. Agro, c'est l'argent. Pour faire court, les sujets sur lesquels on est amené à travailler, ce sont les équipements pour l'industrie agroalimentaire, le machinisme agricole, tout ce qui est lié à l'agriculture et tout ce qui est élevage: des fertilisants, des produits phytosanitaires…etc.

Pour la filière Industrie et Tech, on a plusieurs sujets, il y a toute la partie transport qui nous occupe pas mal, la partie énergie (que ce soit l'énergie conventionnelle, comme le gaz, et tous les projets qui sont en cours comme la mise en route de Zohr, la rénovation des raffineries, la construction nouvelle de l'infrastructure  et également la partie de l'énergie renouvelable, comme l'énergie solaire et l'énergie éolienne) puisqu'il  a de gros projets en Egypte sur ces sujets-là. Donc transport, énergie et tout ce qui est BTP (bâtiments et travaux publics). Donc tout le secteur de la construction notamment toutes les solutions qui vont autour, c'est l'argent, et toutes les solutions qui peuvent aller autour du développement des villes nouvelles comme vous avez beaucoup de cas en Egypte: la nouvelle Capitale, la nouvelle ville d’Alamein et autres.

P.E.: Avez-vous publié un guide d’investissements ? Est-ce que c’est la première fois ?

M. Ludovic Prévost :Non, ce n’est pas la première fois. Il n’avait pas été republié depuis 2010, je crois. Donc il est complètement nouveau, il ne s’agit pas du tout d’une mise à jour mais réellement de nouveaux documents. Notre objectif est le même d’attirer plus de sociétés françaises vers l’Egypte. On est amené à essayer de communiquer le plus possible sur les opportunités d’affaires en Egypte. Je suis amené à me déplacer pas mal en région et en France notamment dans le champ de commerce en France  pour parler aux entreprises des opportunités dans le pays et leur dire qu’il faut aller vers l’Egypte, c’est un grand pays, 100 millions d’habitants, et donc beaucoup de projets. C’est aussi une plate-forme pour repartir vers le Proche /Moyen-Orient et l’Afrique anglophone. Tout ça il faut le communiquer aux entreprises parce que quand vous êtes une PME ou une entreprise de taille intermédiaire, des marchés il y en a plein. Elles n’ont pas nécessairement les moyens de se projeter sur dix marchés à la fois. Donc on est là aussi pour les aider à prioriser, mais moi mon rôle c’est de les tenir au courant de ce qu’elles peuvent faire en Egypte et de les opportunités qu’elles peuvent y développer. On communique beaucoup là-dessus.

Pour revenir au sujet du guide des affaires, il fait partie de cette stratégie de communication, puisqu’à l’intérieur, vous allez trouver toute une partie sur la situation économique et financière du pays, toute une partie sur les opportunités sectorielles et puis une partie plus juridique sur l’accompagnement, l’implantation et sur ce qu’elles, les entreprises, peuvent faire en Egypte, comment il faut le faire, quelles sont les règles, les lois, la fiscalité, les zones franches…Etc. L’objectif reste le même : il est de donner envie aux entreprises de venir jusqu’ici.

P.E. : Quand avez-vous publié le guide des investissements ?

M. Ludovic Prévost :Il est tout récent. Il a été publié en septembre dernier. Pour résumer notre travail, on a deux choses, soit on accueille les entreprises de manière individuelle, il s’agit là d’un traitement personnalisé. Mais on a aussi tout un agenda d’événements, de programmes donnés d’une année à l’autre, sur des secteurs qu’on juge porteurs. L’année prochaine, on a une grosse dizaine d’événements qui seront programmés en Egypte sur lesquels on va amener des délégations d’entreprises. Par exemple, début février, on a un pavillon France sur le Salon Egypte Petroleum Show, on aura affaire à une dizaine d’entreprises. On va avoir une délégation dans les énergies renouvelables au mois de mars, une délégation dans le secteur du sport aussi au mois d’avril. On accueillera aussi une délégation dans le secteur de la santé au mois de juin. Voilà, on a une dizaine d’événements qui seront programmés tout au long de l’année 2019.

En 2018, on avait six ou sept événements qui ont été programmés et on continue. Donc cela va dans le sens de l’augmentation de l’activité des entreprises françaises en Egypte. En 2015, on avait trois événements, en 2018 on en avait six ou sept et voilà en 2019 on en aura une grosse dizaine, avec deux événements « phares ». A la mi-mars, au siège de Business France, on a un atelier Egypte, sur lequel on va amener, bien entendu, monsieur l’ambassadeur, mais également on va essayer de mobiliser des ministres égyptiens et puis des hommes d’affaires qui, soit des Français installés en Egypte ou des Egyptiens, peut-être de gros industriels, encore une fois dans cette logique de parler aux entreprises pour leur dire voilà ce qu’est l’Egypte aujourd’hui, voilà ce sont les opportunités, venez prospecter le marché.

Au mois d’octobre 2019, on aura un grand Forum France-Egypte sur lequel on va essayer de ramener, j’aimerais bien, une quarantaine d’entreprises françaises en même temps avec lesquelles on va pouvoir montrer un petit peu quel est le niveau de coopération France- Egypte qu’on continue de développer ensemble.

P.E. : Le tourisme, travaillez-vous sur ce secteur ?

M. Ludovic Prévost :Le tourisme, ce n’est pas nous. C’est une autre agence qui est en charge qui s’appelle Atout France. Dans un événement récent auquel le Progrès Egyptien a assisté, on l’a simplement aidé à mobiliser la communauté des journalistes, c’est tout. Après, la promotion du tourisme en France, c’est vraiment leur domaine d’activités et ce n’est pas du tout notre champ d’action.

P.E. : Y a-t-il d’autres filières de Business France en dehors de l’Egypte, au Moyen-Orient ou en Afrique ?

M. Ludovic Prévost :A l’échelle de l’agence, ça représente à peu près au total 1500 collaborateurs répartis partout dans le monde. On est à ce jour présent dans 70 pays et dans la région Proche/ Moyen-Orient, nous avons des bureaux à Dubaï (Emirats arabes unis), en Arabie saoudite, des antennes au Koweït et au Qatar, un bureau au Liban. Nous étions en Iran, mais on a été contraint de cesser nos activités là-bas.

P.E. : Au sujet de la visite du Président français François Macron en Egypte prévue début 2019, avez-vous programmé des événements particuliers ?

M. Ludovic Prévost :Bien sûr. On aura une délégation d’entreprises qui fera le déplacement mais je n’ai pas encore leur identité. Mais c’est prévu.

P.E. : Comment voyez-vous la relation entre les présidents Al-Sissi et Macron ?

M. Ludovic Prévost :La relation bilatérale France/ Egypte est excellente, bien sûr. C’est aussi une des raisons pour lesquelles on a de plus en plus d’entreprises françaises qui s’intéressent à l’Egypte. On a de très bonnes relations bilatérales avec votre pays.

P.E. : A votre avis, quels sont les secteurs porteurs de l’économie égyptienne ?

M. Ludovic Prévost :Ce que j’observe, et c’est le retour que je fais aux sociétés françaises, il y a plusieurs choses, il y a tout d’abord le contexte. Le contexte, en Egypte, c’est qu’elle est un grand pays, avec 100 millions d’habitants,  et une forte augmentation démographique de laquelle découlent de nombreux enjeux que ce soit sur les secteurs du logement, de la santé, de l’éducation, du transport ou des infrastructures. Du coup, je dis aux entreprises françaises que voilà la situation, il y a des choses à faire dans ce pays, et au vu de la stratégie du gouvernement égyptien, cette stratégie consistant à importer moins et de moderniser le tissu industriel et de le développer pour développer l’export à partir de l’Egypte, je leur dis que voilà vous avez un pays en face de vous qui est en pleine mutation industrielle, et donc il y a des opportunités pour vous pour venir en partenariat avec les industriels égyptiens pour peut-être créer de nouvelles usines ou moderniser certaines usines. C’est donc plutôt dans cette démarche là que je me situe.

P.E. : Combien de filières françaises opérant à présent en Egypte ?

M. Ludovic Prévost :De mémoire, ce sont 160 filières. Il y a des sociétés françaises qui suivent une certaine stratégie d’implantation en Egypte pour le marché égyptien ainsi que pour l’export, c’est le cas, entre autres, de l’Oréal, du Groupe Atlantic.  Il y en a pas mal qui sont en Egypte et dont la majorité de la production repart à l’export à partir de l’Egypte vers le Proche/ Moyen-Orient, l’Afrique voire même vers l’Union européenne.

Vu la taille du pays et sa population, l’Egypte est quasiment le plus grand marché de la région, à mon avis. En Afrique, viennent ensuite les marchés du Nigeria et de l’Afrique du Sud. Au Proche/ Moyen-Orient, il y a l’Arabie saoudite, mais l’Egypte reste dans les pays de tête si ce n’est au top. On a ici une équipe de six personnes. On a une activité qui, depuis le retour de la stabilité politique et économique, est en très forte progression et cela se traduit par l’augmentation des entreprises françaises qui viennent prospecter le marché égyptien. Cela ne nous empêche pas de continuer à communiquer le plus possible sur l’Egypte pour continuer à faire venir des entreprises.

P.E. : Affrontez-vous des obstacles en Egypte ?

M. Ludovic Prévost :L’export n’est pas un sujet simple. Des obstacles vous allez en trouver quel que soit le pays. L’idée c’est plutôt d’arriver à savoir si l’on peut les surmonter ou pas. Ce que j’apprécie en Egypte, c’est que parfois cela prend du temps mais on finit toujours par trouver une solution. L’Egypte s’est lancée dans des réformes structurelles qui sont la raison pour laquelle vous avez aujourd’hui des perspectives de croissance qui vont à 6% à court terme, comme le basculement de l’économie vers une économie plus moderne, l’arrêt des subventions sur l’électricité, sur le carburant, la réduction du déficit budgétaire, la mise en place d’un cadre législatif et réglementaire moderne, je fais référence à la nouvelle loi sur les investissements, le tout donne une image d’un pays qui est meilleur. Les investisseurs y reviennent donc et les entreprises s’y intéressent. C’est un cercle vertueux. Regardez la dernière publication de Doing Business de la Banque mondiale, l’Egypte y a gagné une dizaine de places dans le classement, ça c’est très bien. Il faut que cela continue dans ce sens-là pour qu’on puisse continuer à amener de nouvelles entreprises.

P.E. : Vous êtes une équipe de six personnes. Un gros effort pour une équipe si peu nombreuse. Avez-vous un temps de divertissement ?

M. Ludovic Prévost :Très court. On travaille beaucoup. J’aime énormément mon métier. Quand on aime, on ne compte pas, vous connaissez l’expression. Tellement j’ai des rencontres avec des hommes d’affaires égyptiens ou des femmes d’affaires travaillant dans divers domaines sur la santé, sur le cosmétique, etc. on ne s’ennuie jamais. 

P.E. : Comment estimez-vous les opportunités d’investissements dans la Nouvelle Capitale ou dans la région du Canal de Suez ?

M. Ludovic Prévost :C’est une question emblématique et tout dépend de ce dont l’Egypte est capable. En 2015, la nouvelle Capitale était le désert. Je me souviens quand on présentait le projet, on nous disait « ben oui, bon ok, on verra... ».  On est aujourd’hui à la fin de 2018, et la ville est sortie de terre. C’est cette capacité du pays, des entreprises et des autorités à lancer de grands projets et puis à les faire, les exécuter. Cela donne une image d’un pays qui avance, une chose qui est toujours positive. 

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